L’espérance chrétienne d’une vie après la mort est une facette de la foi en la résurrection de Jésus-Christ. Cette affirmation d’un mort qui revient à la vie paraît aujourd’hui incompréhensible. Pourtant, il arrive qu’un mort revienne à la vie – pensons, par exemple, à ces opérations où un patient passe par une mort clinique avant d’être ramené à la vie. On a même envisagé qu’on pourrait parvenir à provoquer artificiellement la mort d’un individu, à le conserver en bon état, en le congelant, et plus tard à le ranimer. Il deviendrait alors banal d’être un ressuscité.
Du temps de Jésus, circulaient plusieurs histoires de morts revenus à la vie. En Grèce, on racontait qu’Orphée était descendu aux enfers (au séjour des morts) pour y chercher sa femme Euridyce et la ramener à la vie terrestre. En Égypte, il y avait le mythe d’Isis et d’Osiris. Dans l’Ancien Testament, on trouve des récits de résurrection : ainsi le prophète Elie rend la vie au fils de la veuve de Sarepta. Le Talmud nous apprend qu’au premier siècle de notre ère, certains rabbins passaient pour avoir le pouvoir de ressusciter. On se souvient qu’Hérode, entendant parler de Jésus, se demanda si Jean Baptiste, qu’il avait fait décapiter n’était pas revenu à la vie. Les Évangiles nous rapportent que Jésus a opéré des résurrections : celle de son ami Lazare, celle de la fille de Jaïrus, celle du fils de le veuve de Naïn.
Comment peut-on alors affirmer que la résurrection du Christ est unique, décisive et fondamentale ? Pour le Nouveau Testament, il n’y a aucune comparaison, aucune commune mesure entre les faits ou les récits d’un mort revanant à la vie et ce qui arrive au Christ trois jours après sa crucifixion. Dans un cas, nous avons des retours à la vie naturelle ; dans l’autre le surgissement d’une vie autre que naturelle.
Le retour à la vie naturelle représente l’objectif que poursuit la médecine. Elle veut rendre au malade la santé qu’il a perdue et lui permettre de vivre aussi normalement que possible. Il en va de même pour les résurrections opérées par les prophètes, les disciples, ou par Jésus lui-même. Le miraculé retourne à ses occupations habituelles, il retrouve la vie qu’il menait auparavant. Lazare a repris son travail, sa place à son foyer ; il a vécu, il a vieilli et il est mort. La fille de Jaïrus a grandi, s’est probablement mariée et eu des enfants ; elle a vécu, elle a vieilli et elle est morte. La résurrection se présente ici comme une guérison particulièrement spectaculaire. Elle rétablit le cours d’une existence accidentellement interrompue, elle n’en change pas la nature.
Le surgissement d’une vie autre que naturelle, voilà ce qu’entendent annoncer les récits de Pâques. Après sa résurrection, Jésus ne revient pas à son existence passée. Il apparaît et disparaît, il se manifeste et s’éloigne de manière toujours mystérieuse. Certes, les évangiles soulignent fortement la réalité physique et matérielle de la résurrection. Jésus mange et boit. On peut le toucher ; on trouve son tombeau vide. Le Ressuscité n’est pas un fantôme inconsistant ou une illusion qui s’expliquerait pas quelque phénomène psychique.
Toutefois, les évangiles insistent encore plus sur la transformation intervenue. Ses compagnons ont de la peine à reconnaître Jésus et à l’identifier. Ainsi Marie Madeleine dans le jardin qui le prend d’abord pour le jardinier ; ainsi les disciples d’Emmaüs qui cheminent avec lui, l’écoutent, et ne découvrent qu’après que c’est le Christ qui est avec eux ; ainsi les disciples qui pêchent dans la mer de Tibériade qui ne le reconnaissent pas tout de suite.
La résurrection du Christ ne constitue pas une guérison qui permet le retour à la vie physique habituelle. Elle ne se borne pas à un phénomène de „cadavre revenu à la vie“. Elle représente bien autre chose : le surgissement dans notre monde d’une forme de vie nouvelle et originale qui vient de Dieu, et qui dépasse nos possibilités naturelles. Cette vie incarnée en Jésus est ouverte et offerte à ses disciples qui dans la foi commencent à y entrer ; elle fait d’eux des êtres nouveaux, dans la vie avant la mort. Elle leur permet de ne plus se soucier de la vie après la mort.